Vers plus de droits pour les artistes seychellois |04 September 2014
Par une belle soirée de 1848, trois compositeurs de musique parisiens décident d’aller boire un coup et d’écouter de la musique au ‘Café des Ambassadeurs’ situé sur la Rue Gabriel à l’entrée des Champs-Elysées, et où on organise à l’époque des cafés-concerts.
A leur surprise, ils découvrent que l’orchestre du jour interprète des morceaux de musique qu’ils ont composés. En conséquence, ils vont refuser de payer l’addition en demandant qu’ils soient payés pour leur musique. Comme l’établissement n’a jamais fait face à ce genre de situation, tout comme personne d’ailleurs, à son tour le gérant n’accepte pas cette demande inédite. Les compositeurs vont porter plainte et reçoivent gain de cause après trois ans de procès. En effet, le tribunal juge qu’un établissement public ne peut utiliser la musique de quelqu’un sans sa permission ou sans lui verser une rémunération.
C’est une première victoire pour les droits d’auteur. Les trois musiciens décident alors de créer une association pour assurer la protection de leur droit et ceux de tous les autres auteurs et compositeurs et éventuellement éditeurs de musique du monde.
Trop jolie pour y croire peut-être, mais c’est histoire de la naissance de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique basée à Neuilly en région parisienne et connue mondialement comme Sacem.
Mais comment presque 170 ans après sa création, est-ce que les artistes seychellois peuvent bénéficier de la plus ancienne société de droit d’auteur qui aujourd’hui regroupe 150 000 membres de 164 nationalités différentes et pour lesquels elle collecte 1,3 milliard d’Euros par an ? C’est dans cette optique que lors d’un récent passage à l’île voisine de La Réunion que le président de la Société des Auteurs et Compositeurs des Seychelles (SACS) M. David André, a profité pour prendre contact avec le directeur régional de la Sacem M. Patrick Mathieu et pour l’inviter à rencontrer ses propres membres ainsi que d’autres intéressés seychellois.
C’est chose faite depuis cette semaine quand ce dernier a débarqué aux Seychelles accompagné d’un invité surprise ou presque ; M. Claude Gaillard le directeur de l’International de la Sacem en personne. Ils ont rencontré les membres de SACS et d’autres artistes à la Bibliothèque Nationale mardi matin.
« Il ne fallait pas rater l’occasion. Ce sont deux personnes très importantes dans l’industrie de la musique. Ceci est possible aussi grâce à la solidarité montrée par les artistes locaux envers SACS et pour laquelle je les remercie », a commenté M. André.
Lui répondant, M. Gaillard s’est déclaré très content de pouvoir travailler avec ceux-ci et avec la plus jeune société des droits d’auteur qui vient d’être admise à CISAC (Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs), tout en citant la formation et la collecte de fonds comme priorités.
« L’Océan Indien est une zone géographique très vaste. La Sacem veut stimuler dans la région des actions qui sont susceptibles de déboucher sur des partenariats artistiques, des échanges entre les artistes seychellois et étrangers. Nous voulons établir une union de solidarité parmi les auteurs et au sein des sociétés, ce qui nous permettra d’avoir des résultats. Nous pouvons transmettre notre expérience au nouveau né qu’est la SACS et qui vient d’être admise à CISAC, c’est un succès extrêmement encourageant. La formation permettra de déterminer ce qu’il faut faire et surtout ne pas faire. Aller collecter des fonds auprès des hôtels, des discothèques, des magasins c’est un métier qu’il faut apprendre. La formation aboutira à une collecte de fonds plus importante », a-t-il dit.
Les droits à collecter représentent un potentiel économique pour le pays
Il a rajouté que les droits à collecter représentent un potentiel économique pour le pays, tout en précisant que 80 000 millions d’Euros versés par son organisation viennent des sociétés étrangères, dont 3 millions d’euros réunis uniquement à La Réunion. Avec 4 000 nouvelles demandes d’adhésions chaque année, ce chiffre va surement continuer à shooter en hausse.
La Sacem peut aussi mettre en place des actions sociales comme des régimes d’assistance pour les membres en forme de pension de retraite. Elle souhaite aussi soutenir des actions culturelles comme des autoproductions d’artistes, par exemple la production d’album, l’organisation de spectacle, la résidence d’artistes, la promotion à l’étranger etc.
Pendant la réunion, l’audience a pu avoir des réponses à des problèmes qui touchent à leur industrie ici. Ils se sont plaints que le show business n’y est pas encore officiellement reconnu comme tel. Un recours avancé est la mise en place du système de copie privée qui permet aux auteurs d’être rémunérés par le biais d’une taxe sur les supports d’enregistrement comme les CDs, clés informatiques ou encore Smart phones.
« Un Smart phone ne serait plus smart et couterait vingt fois moins cher sans sa capacité d’enregistrement et de mémorisation. Les enregistrements stockés sur les téléphones peuvent être utilisés à des fins commerciales. Il est donc normal qu’une partie du revenu revienne au compositeur », était la réponse de M. Gaillard.
Pour tacler le problème où un établissement ne veut pas payer, il a été avancé qu’il faut que les usagers prennent la SACS comme un partenaire et que les commerces prennent conscience que la musique fait augmenter leur vente.
Le dernier ressort reste le tribunal comme il a été conseillé au chanteur Thomas Knowles pour le rétablissement de son droit moral. Il pense qu’une de ses chansons, ‘sega baginya’ a été illégalement reprise par le groupe mauricien ‘Cassiya’.
Les critères d’adhésion à la Sacem sont simples : Il faut avoir écrit un minimum de cinq œuvres dont une a été diffusée sur au moins cinq différents plateaux pendant au moins six mois. Mais la société garde un conseil pour les auteurs seychellois : « Adhérez-vous à la SACS d’abord, c’est votre représentant et c’est par là qu’il faut commencer ».
Ces deux représentants ont souligné que nos artistes doivent devenir plus professionnels et que le droit d’auteur est le début de la professionnalisation qui à son tour aura des effets positifs sur l’économie du pays.
« Vous devez vous sentir heureux qu’il y a des gens comme David André qui défendent votre intérêt et les médias qui vous suivent. Il faut que tout le monde pousse la charrette dans le même sens. Mais rien ne vous empêche d’avoir une double appartenance, surtout pour vos rémunérations au niveau international », a fait remarquer M. Mathieu.
A la sortie de la salle, Thomas Knowles a dit avoir beaucoup apprécié la rencontre avec les deux spécialistes de droit d’auteur.
« A travers les efforts de SACS nous avons fait beaucoup de progrès. Mais nous avons beaucoup de chemin à faire. Donc de telles rencontres sont à encourager à l’avenir », a conclu l’artiste.
Les prochaines tâches de la société qui gère les intérêts patrimoniaux des artistes seychellois consistent à mettre à jour la législation touchant cette activité et surtout à collecter des droits de tous les usagers de musique en public, y compris les boutiques et les organisations de kermesses comme les dits « bazars » – ‘Labrin’, ‘Ovan, ‘Au Cap’ – ou autres manifestations de ce genre.
Les experts pensent que la musique fait grimper la vente dans les magasins de 15%. Pour les fêtes populaires, c’est surement beaucoup plus !
Les membres de SACS et d’autres artistes ont rencontré à la Bibliothèque Nationale mardi matin MM. Claude Gaillard et Patrick Mathieu le directeur de la Sacem en compagnie du président de la SACS M. David André
M. Savy