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Diocèse de Port-Victoria, Seychelles : Lettre Pastorale de Mgr Denis Wiehe pour le Carême 2020 |26 February 2020

Diocèse de Port-Victoria, Seychelles : Lettre Pastorale de Mgr Denis Wiehe pour le Carême 2020

La Réconciliation

 

Choix de ce sujet

La première raison du choix du sujet pour cette lettre pastorale pendant le Carême 2020 vient d’un besoin humain au fond de notre cœur. Il y a au fond de nous une aspiration très profonde pour vivre des relations vraies et sincères avec les autres autour de nous. Et pourtant pour différentes raisons, nous n’arrivons pas à vivre sans nous fâcher avec tant de personnes. Nous avons besoin de réconciliation pour bien vivre nos relations, dans la famille, au travail et dans la société.

D’autres raisons plus évidentes m’ont aussi aidé à choisir ce thème : l’importance de la ‘Commission Vérité, Réconciliation et Unité Nationale’, qui a commencé ses auditions, en est une ; cette commission est appelée, selon moi, à jouer un rôle déterminant pour l’avenir de la société seychelloise. Une autre raison encore c’est que le Sacrement de Réconciliation à besoin d’être revaloriser dans notre Eglise. Il me semble que le Carême est un excellent moment pour le remettre en valeur et pour inviter tous les Catholiques à en reprendre une pratique régulière.

Dans le monde d’aujourd’hui, de plus en plus, nous faisons appel à des intermédiaires : ce sont les psychologues, psychiatres et ‘conseillers’ auxquels nous nous adressons pour mieux comprendre ce qui se passe en nous-mêmes et qui nous aident à mettre de l’ordre dans nos relations familiales et sociales. Les ‘intermédiaires’ jouent un rôle important, parfois essentiel, dans tout effort de réconciliation. Nous verrons cela tout au long de cet exposé.

 

I. La Commission Vérité, Réconciliation et Unité Nationale (La Commission)

En Anglais : « Truth, Reconciliation and National Unity Commission » (TRNUC)

 

 

a)        La mise en place de la Commission

La mise en place de cette Commission a été initiée par les membres du parti de l’opposition lorsque ce parti a obtenu la majorité à l’Assemblée Nationale (AN) en 2016. Plusieurs étapes ont précédé la loi-cadre qui a été voté par l’AN et signé par le Président de la République, le 6 septembre 2018. Cette loi donne les paramètres pour le fonctionnement de la Commission et le contenu ainsi que les limites de son action.

Le but de la Commission est de faire la pleine lumière sur les abus de pouvoir de toutes sortes perpétrés pendant et à la suite du coup d’Etat du 5 juin1977, quand Albert René a pris le pouvoir. La période couverte étant depuis le coup d’Etat jusqu’aux élections de 1993 et au-delà si nécessaire, puisqu’Albert René et son parti détiennent toujours le pouvoir exécutif sans discontinuité depuis le coup d’Etat.

Les six commissaires ont commencé les auditions depuis le 9 août 2019. Le septième commissaire, M Domainge de l’Ile Maurice, a démissionné peu de temps après sa nomination. Des mesures sont déjà en cours pour son remplacement. Au moins quatre commissaires doivent être présents à chaque audition.

 

b) Dire ouvertement la vérité

Au cours de ces premiers six moins depuis le début des auditions nous avons entendu surtout le témoignage et les plaintes de ceux qui ont souffert des abus de pouvoir pendant la période du coup d’état. Après plusieurs de ces auditions, des témoins ont exprimé leur sentiment de libération d’avoir enfin pu dire en public des souffrances qu’ils/elles portent en silence, parfois depuis plusieurs décennies.

Cette première période a permis aussi à la commission de rappeler les conditions de son mandat et de clarifier certaines questions, par exemple les conditions de l’amnistie pour les auteurs de crimes. La commission a beaucoup insisté sur l’importance de dire LA VERITE, condition essentielle pour que justice soit faite.

J’invite ceux qui hésitent encore à prendre courage et venir dire leur histoire et leurs souffrances devant la Commission. Il me semble que c’est de leur devoir civique de le faire.

 

c) La Réconciliation

La « Réconciliation » est au cœur du titre et de la réalité de la « Commission Vérité, Réconciliation et Unité Nationale ». Le but de toute cette mise en scène c’est de se réconcilier afin de bâtir une société plus unie. Toutefois on a peu parlé de réconciliation jusqu’à présent et il y a peu de personnes responsables des crimes commis pendant cette période du coup d’Etat qui sont venus témoigner devant la commission.

Pourtant, il ne suffit pas d’avoir pu raconter les torts subis à cause du coup d’Etat. Il va falloir passer à la prochaine étape. Et, plus important encore, il nous faut non seulement parler de la réconciliation mais accomplir une vraie et sincère réconciliation. D’où les deux invitations solennelles suivantes :

 

Demander pardon

Au cours de cette année 2020 nous fêterons le 250ème anniversaire de la fondation des Seychelles. Cet anniversaire suscite une attente chez beaucoup de Seychellois, oui : un profond désir de fermer, une fois pour toutes, le chapitre du coup d’Etat. Donc de se libérer du poids de ce passé si douloureux afin de pouvoir avancer tous ensemble, sur le même pied d’égalité, vers un avenir de vraie unité nationale.

Au nom de cette attente profonde, j’invite solennellement les responsables des actions commises pendant la période du coup d’Etat de se présenter devant la Commission : en reconnaissant leurs torts et en demandant pardon ils pourront recevoir l’amnistie, prérogative de la Commission (cf. no. 12 de l’acte de loi instituant la Commission).

 

Renoncer à la vengeance et à la haine

Et, pour les mêmes raisons, dans un esprit de vraie réconciliation, j’invite les victimes qui ont eu le soulagement d’avoir pu dire leurs doléances devant la Commission, de renoncer à tout esprit de revanche et de haine.

 

Regardons l’avenir, ayons le souci du bien commun et de l’unité du peuple Seychellois.

Soulagé du fait d’avoir pu demander pardon et fortifiés par la paix intérieure qui vient du pardon demandé et accordé, c’est ainsi que nous construirons la bonne entente, le bien-être et l’avenir des Seychelles.

 

II. La Réconciliation Sacramentelle dans l’Eglise

Dans notre Diocèse, nous avons beaucoup reçu de la prédication du Père James Manjackal au début de cette année. Il nous a rappelé les vérités de notre foi. Avec franchise et humilité, il nous a rappelé qu’un des points les plus importants de notre vie comme Catholiques était de nous réconcilier avec le Seigneur et de nous purifier de nos péchés par la confession. Dieu en Jésus-Christ nous offre la guérison intérieure dans le sacrement de réconciliation que nous appelons communément, ‘la confession’.

Tout d’abord quelques précisions au sujet de la confession sacramentelle. Elles sont importantes :

  • Jésus, vrai Dieu et vrai homme, a amené sur terre le pardon de Dieu. Dieu seul peut pardonner les péchés. Bien sûr ! Toutefois, dans l’épisode de la guérison du paralytique (Marc 2, 1-12), Jésus pardonne d’abord les péchés du paralytique, puis, comme preuve de son pouvoir de pardonner, il le guérit physiquement : « Vous devez le savoir : le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre. »

 

  • Ce pouvoir de pardonner ‘sur la terre’, Jésus l’a transmis aux Apôtres (c’est-à-dire à l’Eglise). Le soir de la Résurrection (Jean 20, 19-23) Jésus souffla sur les Apôtres réunis dans la chambre haute et leur dit: « Recevez l’Esprit-Saint. Quand vous pardonnerez les péchés à quelqu’un, Dieu donnera son pardon. » La réconciliation sacramentelle trouve son origine dans les paroles et la pratique de Jésus lui-même.

 

  • Le Christ a déjà acquis pour nous la possibilité de la réconciliation avec Dieu ; Dieu nous invite à la réconciliation. La réconciliation avec Dieu comprend deux actions, d’abord la décision du pénitent d’aller se confesser – c’est la dimension psychologique de l’action sacramentelle. L’autre action c’est l’offre de réconciliation venant de Dieu à travers l’Eglise: St Paul affirme : « Dieu, dans le Christ se réconciliait le monde… Laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (2 Cor 5, 19-20). En d’autres termes, la réconciliation avec Dieu est déjà acquise par Jésus. Il est le médiateur, qui a déjà acquis pour nous la possibilité d’une réconciliation avec Dieu. Jésus par sa mort et sa résurrection nous a déjà réconciliés avec Dieu. Cette miséricorde de Dieu est rendue présente dans le sacrement ; c’est elle qui rend notre démarche personnelle efficace.

 

  • La puissance de guérison intérieure et de pardon vient de Jésus. Le prêtre est une personne humaine comme celui/celle qui reçoit le pardon. Toutefois, cet homme a reçu l’ordination presbytérale qui fait de lui, dans l’exercice de son sacerdoce et donc dans la confession, le représentant du Christ.

 

  • Le rôle du prêtre dans la confession. Le prêtre a un rôle essentiel dans le sacrement de confession. Sans lui pas de sacrement de réconciliation ! C’est pourquoi on attend aussi beaucoup du prêtre :

-          Il lui est demandé d’avoir les qualités humaines d’accueil, de dialogue, de respect et de savoir-faire nécessaires. Ces qualités rendent la confession psychologiquement abordable pour le pénitent.

-          En outre, le prêtre doit avoir une vie de foi et d’union permanente avec Jésus afin que la confession soit crédible aux yeux de la communauté. Pendant sa prédication avec les prêtres en janvier dernier, le Père James Manjackal a beaucoup insisté, et avec raison, sur cet aspect de la vie du prêtre avec plusieurs

exemples très concrets.

 

  • Le/la pénitent(e) a besoin d’un minimum de foi et de confiance dans l’amour miséricordieux que Dieu a révélé et accompli en Jésus. Dans la vie du Bienheureux Père Charles de Foucauld, il raconte comment au début de sa conversion le prêtre qui l’aidait dans son cheminement l’a invité avec insistance à recevoir le pardon de Dieu dans la confession. La confession sacramentelle nous confirme dans note désir de conversion et de changement de vie. Toutefois rappelons-nous que la réconciliation est un processus : certains pénitents demandent un accompagnement, plus ou moins long, avant de demander la confession sacramentelle.

 

Rappel en particulier pour les prêtres

-          C’est notre responsabilité, nous les curés et vicaires des paroisses, d’offrir à nos paroissiens des temps de confession de manière régulière chaque semaine, pendant le Carême et, de manière générale, pendant toute l’année. Il nous est demandé d’être créatifs dans l’organisation de ces temps de confessions.

-          Les ‘Célébrations Pénitentielles’ sont à être encouragées. Ce sont des célébrations liturgiques avec chants, intentions de prières, liturgie de la Parole, homélie, examen de conscience, etc. qui préparent les participants à la confession. Il est rappelé que dans le Diocèse de Port-Victoria les célébrations pénitentielles doivent se faire avec des confessions et absolution individuelles.

-          Il est rappelé aux prêtres qu’ils doivent eux aussi se confesser personnellement ‘souvent’, dit le Code de Droit Canon (CDC 276 § 2,5) comme moyen de se maintenir dans une vie spirituelle active et en union avec le Christ. Recevoir la confession soi-même comme moyen de grandir dans la vie spirituelle et afin de mieux accomplir son rôle de confesseur.

-          Les prêtres et les fidèles du Diocèse sont invités à relire attentivement 1) « Le Catéchisme de l’Eglise Catholique » les numéros 1420 – 1498 qui situe bien le sacrement de pénitence/réconciliation dans le contexte de la vie pastorale de l’Eglise et de la miséricorde infinie de Dieu, et 2) le Code de Droit Canonique (CDC) les numéros 959 – 991 sur le « Sacrement de Pénitence ».

 

  • Le rôle de la communauté chrétienne.

Tous les sacrements ont une dimension communautaire. Chers sœurs, chers frères, prions avant de recevoir la confession. Prions aussi après la confession. Prions pour que les Catholiques se confessent plus souvent afin d’être les bénéficiaires de la miséricorde infinie de notre Dieu. Prions

 

Pour Conclure

 

La Parole de l’Eglise en Concile Œcuménique, le 21 novembre 1964 :

« Ceux qui s’approchent du Sacrement de Pénitence y reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon de l’offense qu’ils Lui ont faite et du même coup sont réconciliés avec l’Eglise que leur péché a blessé et qui, par la charité, l’exemple, les prières, travaille à leur conversion. » (Lumen Gentium, 11).

 

La parole de l’Evêque aujourd’hui :

Cultivons au fond de notre cœur un désir ardent de réconciliation… réconciliation avec les membres de nos familles, avec ceux que nous avons offensés et aussi avec ceux qui nous ont offensés, réconciliation aussi envers nous-mêmes et par-dessus tout avec Dieu notre Père à travers Jésus-Christ, notre Sauveur.

Pendant le Carême cette année, 2020, prions pour qu’il y ait une vraie réconciliation dans notre pays à travers le travail de la Commission Vérité, Réconciliation et Unité Nationale. Chaque fois que nous récitons le ‘Notre-Père’ que cette demande puisse se réaliser : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.»

 

 

Mgr Denis Wiehe

Evêque de Port-Victoria                                                                

Mercredi des Cendres, le 26 février 2020

 

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