Lettre à l’éditeur-La Fête de la musique aux Seychelles a 34 ans ! |12 July 2012
Je tiens a vous préciser que la toute première fête de la musique aux Seychelles eut lieu les 17 et 18 décembre 1978, et que c'est Ie 34e anniversaire de cette fête que nous venons de célebrer en cette année 2012. Je fais cette amicale mise au point, afin de lever tout malentendu quant à I'année dont il est question.
Et je profite de cette occasion pour livrer à ceux qui s'y intéressent des informations complémentaires relatives à cette première fête - informations dont j'ai eu connaissance de par les fonctions que j'occupais. Ainsi, vous trouverez ci-joint des documents de nos archives nationales: Ie programme de la fête, copréfacé par mon collègue Guy SINON; alors Ministre des Affaires Etrangères et du Tourisme, et moi-même; une présentation de la fête par Pierre D'ASTROS-GEZE; et des articles sur la culture seychelloise, par d'éminents et regrettés Seychellois, notamment, Kantilal Jivan SHAH, Guy LIONNET et Antoine ABEL.
J'ai débuté ma carrière ministérielle en juin 1977 comme Ministre responsable de l'Education et de la Culture, poste que j'ai occupé jusqu'en juin 1979. J'avais alors comme conseiller un coopérant détaché du Ministère français de la Coopération.
II s'agit du regretté Pierre D'ASTROS-GEZE, érudit, féru de culture musicale, a qui j'avais confié la tâche d'élaborer un programme d'enseignement de la musique dans nos écoles. C'est en discutant musique et son enseignement que nous avions envisagé, comme support pédagogique, une fête annuelle sur Ie plan national ...
J'ai donc constitué un comité organisateur ayant Pierre DASTROS-GEZE lui-même, Patrick VICTOR et Antoine AZEMIA comme président, vice président et secrétaire. Barney ADELINE, Jerry SOURIS, Tony BELLE, Marie-Cécile MEDOR, Marie-Claude ROUILLON et Helène ROMAIN en étaient aussi membres, sans responsabilité spécifique. Et je n'oublie pas Joe SAMY qui fut un précieux collaborateur sur Ie plan artistique.
C'est grâce au dévouement de tous que les multiples contraintes furent surmontées, les délais respectés et "Ies fêtes de la musique, du chant, de la danse et des arts associés" purent avoir lieu Ie weekend des 16 et 17 décembre 1978. Vous aurez noté "Ies fêtes ...", au pluriel. Par la suite, nous avons laissé tomber Ie chant, la danse et les art associés, pour ne retenir que la musique ...
Cet historique de la première fête de la musique est peut-être trop bref mais c'est ainsi que nous I'avons vécu en décembre 1978. C'eût été un honneur que Ie Ministre français de la Culture, Jack LANG, s'inspirat de notre expérience pour créer "sa" fête, ainsi qu'on pourrait Ie supposer.
Toutefois, à notre connaissance, ce n'est pas Ie cas, Ie calendrier ne plaidant pas en notre faveur. Alors que personne ne conteste que la fête eut lieu "pour la toute première fois en France Ie 21 juin 1982", comme vous I'écrivez, iI est également incontestable que "notre" fête fut lancée en décembre 1978, trois ans et demi auparavant.
Certes, Ie Ministre LANG séjourna parmi nous en 1983 et par lettre datée du 8 avril 1983, il me remerciait pour I'accueil et un séjour "qui I'avait enchanté". Mais c'était après qu'il eut lancé "sa" fête ...
A noter que notre première fête de la musique fut marquée par un évènement sur Ie plan international qui mérite d'être relaté. Nous avons eu Ie privilège d'acceuillir Ie célèbre violoniste, Jehudi MENUHIN et son épouse, en tant qu'invités d'honneur. C'est Ie Président SENGHOR du Sénégal qui avait signaIé au Président RENE que I'illustre musicien devait passer des vacances dans nos ȋles, et c'est moi qui fus chargé de I'acceuillir.
Les instruments de Tonpa et Boboy, Ie "bonm" et Ie "zez", retinrent I'attention du musicologue qui nous confia les avoir découverts d'abord en Angola et au Brésil. Ces instruments ont pour spécificité de faciliter une complicité presque charnelle avec Ie musicien. Par ailleurs, signalons que Monsieur MENUHIN était disposé à offrir une bourse à un jeune seychellois pour étudier la musique dans son école à Londres.
A Praslin, c'est la bonne entente entre Praslinois de Baie Sainte-Anne et de Grand Anse qui fut à I'honneur, avec la pose de "Ia pierre de l'Unité" au coeur-même de la Vallée de Mai à Fond Boffay. Mais en apothéose, était la célebration d'un "vrai" mariage Seychellois avec cérémonie réligieuse, sérénade, salle verte, discours, "santés", la "levée" des draps au petit matin ...
Et La Digue ne fut pas en reste. Les Diguoises firent revivre de leur mémoire collective, un jeu de plein air pour jeunes filles appellé "Madilo sote baton". Fraicheur et ravissement se dégagèrent des performances.
Cette première edition de la fête fut clȏturé par un appel à toute la population de se mobiliser et "déjà penser ensemble à la prochaine rencontre de 1979." C'était aussi une façon de cacher notre tristesse.
En terminant, je voudrais exprimer Ie souhait de raconter la participation de musiciens Seychellois au Festival de Jazz de Montreux en Suisse, mais je ne dispose pas encore d'éléments suffisants pour Ie faire ... La 40ème édition de ce festival européen parmi les plus prestigieux, se déroule actuellement, et ce jusqu'au 13 juillet 2012. A signaler la participation, entre autres, de Gilberto Gil (ministre, artiste et musicien du Brésil) et de KASSAV (I'unique Jocelyne Beroard, Jacob Desvarieux ... ).
Un dernier bravo à celles et ceux qui mettent à profit toute occasion de valoriser notre patrimoine culturel. Ils méritent d'être mieux connus et reconnus.
Je vous remercie de I'hospitalité de vos colonnes.
Jacques HODOUL
(Membre de la Commission Nationale de la Francophonie
et Président d'Honneur de I'Alliance Française des Seychelles)